Monday 28 November 2011

Sheila Bunwaree, Professeur en sociologie à l’Université de Maurice : « La Summer School équivaut à un manque de vision »

Sheila Bunwaree fustige la décision de mettre en place la Summer School qui, dit-elle, n’apportera pas de solutions au problème de l’éducation chez les Mauriciens au bas de l’échelle. 
 
> Le ministère de l’Éducation introduit sous peu la Summer School à titre expérimental dans une vingtaine d’établissements scolaires. L’avis du sociologue en éducation ?
L’introduction de la Summer School témoigne d’un manque de vision, de cohérence et de compréhension dans le domaine éducatif. L’école mauricienne va mal, très mal même. L’échec scolaire est très prononcé chez les enfants provenant des familles défavorisées. Cela démontre à quel point l’école n’est pas adaptée aux besoins et réalités des enfants qui sont issus des familles pauvres. Comme le dit si bien Pierre Bourdieu, l’école demande souvent aux enfants un capital culturel et linguistique que ceux qui sont au bas de l’échelle ne possèdent pas.  Adresser les vraies causes de l’échec scolaire demande une approche holistique où plusieurs maux du secteur éducatif et de la société mauricienne sont pris en considération en même temps.

> Est-ce que ce concept ne vient pas accréditer la thèse que l’école publique est une faillite ?
On n’a pas besoin de ce concept pour accréditer cette thèse ; on le sait déjà depuis longtemps que l’école publique est en faillite. Beaucoup de sociologues, tels que François Dubet, Pierre Bourdieu, Pierre Merle, nous disent qu’on attend souvent de l’école  qu’elle contribue à diminuer les écarts entre riches et pauvres et qu’elle crée de la justice sociale, du développement économique. Je dirais aussi qu’on attend d’elle la création d’une conscience nationale, des citoyens autonomes avec un esprit critique. Parfois, on attend de l’école qu’elle compense les problèmes des familles et même la médiocrité de certains médias… mais l’école mauricienne n’arrive pas à faire un iota de tout cela, elle ne fait qu’encourager une compétition atroce et produit des petits robots à outrance…

> Est-ce à la veille de Noël que le gouvernement réalise que ces enfants ont besoin d’une attention particulière ?
Comme vous le dites, la veille de Noël est très mal indiquée pour ce genre de projet, mais mettons de côté la pertinence du moment de l’année pour le projet et parlons plutôt du projet lui-même. On a l’impression qu’on ne prête pas suffisamment d’attention à nos enfants et n’offrons pas de vraies chances égales. On a un discours autour du concept d’égalité de chances mais on ne touche pas le fond des problèmes pour trouver de vraies solutions. Nos enfants sont les biens les plus importants et ils ont droit à une attention très particulière. Nous devons nous assurer que nous remplissions nos responsabilités vis-à-vis d’eux et que nous produisions des citoyens compétents, responsables, honnêtes et intègres à travers une éducation équitable et juste.

> L’interdiction des leçons particulières en Std 4 a pris effet. Devrait-on l’étendre aux Standards V et VI également ?
Le débat sur les leçons particulières mérite d’être contextualisé. Quelle est la raison d’être – est-ce un mal nécessaire ? Il y a une école de pensée qui vous dirait que les parents doivent avoir libre choix et d’autres qui vous diront que c’est voler l’enfance de l’enfant  et d’autres encore qui vous diront que les leçons particulières sont devenues une industrie. Il y a eu beaucoup de passion autour de cette question, mais je pense que nous allons dans la bonne direction. Il faut en finir avec les leçons particulières au primaire mais il faut résoudre le problème dans sa globalité. Il faut surtout abolir le CPE, ce mal qui ronge notre société. C’est un système qui tue toute créativité chez l’enfant. Aussi longtemps que ce système serait en place, les leçons particulières vont perdurer.

> Les résultats du CPE sont pour bientôt. A quand la fin de cette course infernale ?
La chose éducative est beaucoup trop politisée chez nous et si cela ne change pas, il y a  très peu de chance de voir la fin de ce fléau. Les enfants mauriciens sont victimes d’un système vicié mais beaucoup de nos politiciens et d’autres lobbies jouent sur le destin de l’enfant mauricien sans prêter suffisamment d’attention sur l’intérêt supérieur de l’enfant.  N’est-il pas temps de donner la voix à ceux qui sont les plus concernés, c’est-à-dire les enfants eux-mêmes ?

> La PSSA a été plus sévère cette année dans la reconnaissance de collèges autorisés à fonctionner en 2012. Votre avis ?

Il y a certains critères et normes qui sont bien définis par la PSSA pour permettre les écoles de fonctionner ou pas.  La démocratisation avec accent sur l’accès à des collèges d’État qui ont poussé comme des champignons un peu partout a eu un impact sur les écoles privées de la PSSA. Avec la fermeture obligatoire de certains collèges, on risque de voir des licenciements et d’autres maux qui en découleront. 

C’est évident qu’il y a un manque de  planification. On ne peut pas continuer à investir autant que cela dans l’éducation pour ne produire que de la médiocrité. On veut devenir comme Singapour, mais est-ce que nos dirigeants savent comment fonctionnent les écoles singapouriennes, comment on recrute et quelle est la qualité des enseignants ? Ceux qui choisissent à être enseignants au primaire chez nous ne sont pas nécessairement ceux qui sont les plus performants.

> On reproche à certains directeurs de faire du ‘’canvassing’ pour l’admission en Form 1, mais en même temps ces collèges accueillent des élèves qui ont de mauvais résultats du CPE. Paradoxe ?
Je me demande pourquoi est-ce qu’on doit les reprocher, c’est le système lui-même qui encourage cela – ces directeurs et ceux qui travaillent avec eux doivent survivre et la seule façon c’est de s’assurer que leurs écoles fonctionnent. Pour fonctionner, il faut avoir X nombre d’élèves et obtenir les ‘grants’ de la PSSA, mais avec  le nombre grandissant des collèges d’État, les écoles de la PSSA se trouvent en difficulté et sont obligées de faire du ‘canvassing’. Est -ce qu’ils peuvent faire autrement demeure la grande question ?

Summer School Programme
Le ministère de l’Education et des Ressources humaines informe le public du lancement du
‘Summer School Programme’, conformément à la décision gouvernementale annoncée dans le discours du Budget 2012. Le programme démarre dès ce mois sur une base pilote dans les 20 écoles suivantes :

Zone 1 : Edgar Laurent GS, Emmanuel Anquetil GS, GRNW GS, Pointe-aux-Piments GS, Surtee Soonee GS, Saint-Antoine RCA, Xavier-Christian Barbe GS.

Zone 2 : Aimé Cesaire GS, André Bazerque GS, Barkly GS, Belle-Mare GS, Nuckchady GS.

Zone 3 : Bel-Ombre GS, Cité Atlee GS, R.H. Espitalier-Noël GS, Souillac RCA.

Zone 4 : Bambous ‘A’ GS, Black River GS, Candos GS, La Gaulette GS.

Ce programme de soutien scolaire académique pour les enfants ayant fréquenté ces écoles en Standards III et IV en 2011 sera agrémenté d’activités ludiques, récréatives et artistiques. Un repas chaud sera servi aux enfants. Le programme comprend aussi une excursion éducative. Les activités auront lieu trois fois par semaine, mardi, mercredi et jeudi, de 9 h à 15 h. Le programme débute le mercredi 30 novembre 2011 pour se terminer le jeudi 22 décembre 2011.

Les parents des élèves ayant fréquenté les  Standards III et IV des établissements susmentionnés peuvent encore prendre contact avec le maître d’école de l’établissement que fréquente leur enfant, ce lundi 28 novembre, entre 9 h et midi, afin de compléter les formalités.

Source: DéfiMédia
Jean Claude Dedans

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