Sunday 18 December 2011

CPE : trois lettres qui font tant souffrir

Le Certificate of Primary Education (CPE), soit les examens de fin de cycle primaire, sera repensé une nouvelle fois ce lundi. Nombreux sont les pédagogues à ne pas prêter foi à cet exercice, tant la réforme du CPE est à l’agenda depuis des années sans que celle-ci n’ait une fin heureuse. Des forces occultes ayant toujours eu raison de la nécessité d’un système plus efficace pour le bien-être des écoliers. 
 
Tous les ministres de l’Éducation et les pédagogues s’accordent à reconnaître qu’il faut venir à bout du taux d’échec annuel (30 %), réduire la compétition féroce que l’actuel système impose aux écoliers de 10 ans et proposer un nouveau programme d’études visant à mieux favoriser les intelligences multiples.

Le pédagogue Hasham Coowar est d’avis que si l’on veut éliminer le mal du CPE, il faut éliminer le système des lauréats en fin de cycle secondaire : « Vous ne savez pas à quel point, à cause de ce système, il y a une pression qui se dessine dès la Std 1. D’abord, il y a des irrégularités autour de l’admission en Std 1 en vue d’être admis la meilleure école, qui permettra d’ouvrir les portes du meilleur collège, qui fabriquera, lui, des lauréats. C’est un cercle vicieux. » Il se dit assez « pessimiste » sur le suivi de ce forum débats.

Tout comme Surendra Bissoondoyal, ancien directeur du Mauritius Examinations Syndicate (MES), Hasham Coowar déplore le fait qu’il n’y ait pas de volonté politique pour mener à bien cette réforme. Surendra Bissoondoyal se dit « attristé » de constater la force des lobbies sectaire et politique qui est en place pour empêcher une réelle réforme de l’éducation.

Hasham Coowar évoque une « autre anomalie » liée au CPE : le maintien du système élitiste. C’est pour cela qu’il faut, à son avis, éliminer le concept des collèges nationaux. Il prône des examens du CPE qui ne seront pas sélectifs et qui permettront l’écolier d’avoir accès à un collège régional. Ses collègues pédagogues et lui sont favorables à des examens en Form 3, « sélectifs cette fois-ci ».

Valorisation
Ainsi, Surendra Bissoondoyal estime que l’un des aspects à être considérés, dans cette réforme, est l’évaluation d’autres sujets que ceux dans l’actuel programme d’études : « Un artiste n’est-il pas l’élite de notre société ? Qu’en est-il du musicien, du sportif, du dessinateur ? Il y a une dimension de l’apprentissage qui échappe à nos éducateurs : la valorisation des intelligences multiples. Il faut absolument revoir le programme d’études ! »

Ce dernier rappelle que dans aucun pays au monde, des écoliers de 10 ans doivent passer par un exercice de sélection pour une place dans un collège. D’où sa proposition d’accorder davantage de chances aux écoliers à travers le contrôle continu (Continuous Assessment), suivi des épreuves écrites. Surendra Bissoondoyal propose également une Remedial Education pour les écoliers en difficulté, deux à trois ans avant l’échéance du CPE.

En revanche, Alain Doolub, secrétaire de la Roman Catholic Education Authority, est plus optimiste quant aux chances de réussite de cette nouvelle tentative de réforme annoncée par le ministère de l’Éducation : « Il faut donner le bénéfice du doute au ministre Vasant Bunwaree en espérant qu’il ne se laisse pas prendre en otage par ceux qui souhaitent créer la division dans le pays. »

Il dit qu’il faut répondre à une question fondamentale : en quoi le CPE pose problème ? D’autant, dit Alain Doolub, que certains estiment que la réforme se limite à l’allégement du programme d’études : « Trop simpliste ! Il faut analyser le système dans sa globalité et essayer de comprendre pourquoi un enfant ne sait toujours pas lire et écrire, ni comment compter, après six années passées à l’école. »

C’est surtout le mode d’évaluation et de sélection qui est une « aberration » pour Alain Doolub : « Il faut absolument s’attarder sur cet aspect crucial si nous voulons des changements, et réfléchir sur des méthodes de contrôle qui mettent moins de pressions sur l’enfant. » De ce fait, il veut abolir le CPE pour quelque temps. Cet exercice deviendra alors, selon lui, un simple examen et non un examen d’entrée avec des critères bien définis pour le secondaire.

Michael Atchia, spécialiste du domaine éducatif, accueille favorablement ce forum débats : « Toute réforme doit se faire dans le consensus et nous espérons enfin qu’il y aura unanimité. C’est clair que le CPE est dépassé, mais faut-il encore trouver un alternatif ».

Dev Virahsawmy : « Attrape-nigaud et trompe-l’œil »
Quelles sont vos attentes concernent le forum débats qui démarre lundi ?
J’ai le regret de dire que je n’ai aucun espoir concernant ce débat. D’où le fait que je ne participerai pas à cette plaisanterie. Ce sera le show habituel où il y aura un grand débit de paroles, mais peu de choses concrètes en sortiront. Les résultats du CPE ont été rendus publics cette semaine. Tout ce que nous avons entendu, ce sont les taux de réussite et d’échec. Personne n’a mis les choses en perspective pour voir réellement où le bât blesse.

Une analyse des résultats peut être effrayante. Chaque année, les résultats cachent une certaine vérité. Un tiers du contenu d’une épreuve a trait à des questions à choix multiples. Un tiers exige des réponses en un seul mot. Un tiers comprend des tests sur la connaissance générale et une option que seuls certains candidats choisissent de faire, surtout ceux qui lorgnent un A+.

Quand un examen offre des questions à choix multiples, statistiquement, il y a 25 % de chance que l’enfant réussisse. Dans d’autres pays, ce genre d’exercice n’est pas comptabilisé car la réussite se joue sur la chance. Pour la deuxième partie, même si les écoliers arrivent à trouver la réponse, cela ne donne pas la garantie qu’ils pourront respecter la grammaire anglaise et française.

Je veux démontrer par là qu’après les examens de fin de cycle primaire, l’objectif principal du système – ayant pour but d’apprendre aux écoliers à écrire, à lire et à compter – n’est pas atteint dans la majorité des cas. Ce système est un attrape-nigaud et un trompe-l’œil, surtout trop élitiste !

Pourquoi le système a-t-il failli ?
Le médium d’apprentissage n’est pas adapté aux écoliers. C’est une aberration à la mauricienne de faire l’apprentissage par le biais de trois langues étrangères. Nous allons grandement améliorer la maîtrise de la lecture et de l’écriture si le kreol est utilisé. Suivant des études, il a été prouvé qu’une bonne maîtrise du kreol peut améliorer les compétences d’un écolier en anglais.

Est-ce que le CPE a toujours sa raison d’être ?
Le CPE a été introduit à l’époque des petites bourses où il y avait des places limitées dans les collèges. Ce n’est plus le cas actuellement. On ne peut continuer à martyriser les écoliers de 10 ans pour une course effrénée aux collèges nationaux. Tout cela doit disparaître. Comme alternative, il faut y avoir des examens en Form 3, des Junior Secondary Exams, qui permettront une meilleure évaluation des compétences et des aptitudes. À cet âge, l’enfant est mature et possède des facultés pour affronter un exercice de sélection. Ce qui n’est pas le cas pour le CPE.

Source: DéfiMédia
Jane Lutchmaya

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