Saturday 17 December 2011

Les recalés du système éducatif – Le préprofessionnel, alternative à l’échec au CPE

Le CPE 2011 livre son verdict ce mardi. Certains se démarqueront du lot, alors que d’autres n’obtiendront pas le minimum requis pour passer en Form I. Année après année, les rapports démontrent qu’un tiers des candidats ne parvient pas à franchir le pas. Que faire d’eux ? Il n’est pas question de les laisser traîner les rues. Le préprofessionnel pourrait être  la solution. 
 
L’échec aux examens du Certificate of Primary Education (CPE) est perçu comme un drame. En recevant les résultats, certains parent se deman­dent où ils ont failli. Les pédagogues mauriciens l’ont dit à maintes reprises : ces examens sont trop durs et ne répondent pas aux besoins de l’enfant mauricien. 

Le ministère de l’Éducation propose des solutions aux enfants qui ont échoué à deux reprises aux examens. Ainsi, à partir de l’année prochaine, les études préprofessionnelles seront étalées sur quatre ans au lieu de trois. Il faut savoir qu’ils sont environ 7 000 élèves à passer cette étape.
Soucieux de l’avenir des enfants, le ministère de l’Éducation, qui s’occupe de ce dossier, avait organisé un atelier de travail au mois d’août dernier. Ainsi, il a été convenu que le Mauritius Institute of Education (MIE) et le Mauritius Institute of Training Development (MITD) travaillent de concert pour un nouveau programme d’études qui sera mis en place dans toutes les écoles à partir de janvier 2012.

Le programme de la troisième année sera introduit à partir de janvier 2013, et celui de la quatrième année en janvier 2014.

Dans la pratique, les élèves seront exposés aux Communications Skills, Numeracy and Literacy Skills, Life Skills et Trade Skills. Les première et deuxième années feront partie du cursus des écoles publiques/privées qui ont adopté la filière prépro­fessionnelle. Pour la troisième année, les élèves suivront des cours trois jours par semaine et ils passeront les deux autres jours dans un centre du MITD. La dernière année, les élèves passeront deux jours dans les écoles publiques ou privées, et les trois jours restants dans un des centres précités.

Notons qu’un comité comprenant le MIE, la Mauritius Qualifications Authority (MQA), le ministère et le MITD travaillent sur un système d’évaluation aussi bien que sur l’équivalence du certificat qui donnera à l’élève la possibilité de suivre une formation plus poussée dans un centre du MITD après les quatre années en question.

Rajen Chumroo, le porte-parole des managers des collèges privés, affirme que l’enfant qui échoue aux examens du CPE ne doit pas baisser les bras. Selon son expérience et celle de ses collègues, plusieurs enfants font mieux au niveau prépro­fessionnel parce qu’ils se retrouvent dans ce qu’ils font. « Nous avons plusieurs cas où les enfants en situation d’échec s’en sont sortis avec un certificat de CPE et de School Certificate. Lorsque l’enfant vient chez nous, il est encadré. Parallèlement, il se prépare à repasser le CPE. Par la suite, s’il le souhaite, il intègre le « mainstream » et prépare les examens du SC… »

Jimmy Harmon : « Reconstruire le jeune anéanti à deux reprises par le CPE »
Jimmy Harmon, chef de département de l’Applied Pedagogy à l'Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM), fait confiance au préprofessionnel. Il affirme que le but principal est de rendre les jeunes « Literate & Numerate». Il s’agit de leur donner des compétences pour mieux s'intégrer dans la société, mais le but principal est de reconstruire le jeune broyé à deux reprises par le CPE. « C'est pourquoi l’Éducation catholique donne beaucoup d'importance à la valorisation du statut de l'enseignement dans ce secteur.

Il s’agit d’encadrer les jeunes par l'organisation de rendez-vous sportifs annuels et par la remise annuelle des attestations de réussite le jour du World Literacy Day, le 11 septembre. » Il faut savoir que de 2001 à 2011, environ 10 000 élèves ont eu recours aux cours. Dans les collèges catholiques, les cours offerts sont  la communication en anglais et en français, le kreol morisien, la cuisine, l’électricité et l’informatique.

Jimmy Harmon émet certaines idées pour une plus grande reconnaissance de ces cours. « La proposition qui a déjà été faite, c'est d'avoir une validation des compétences comme cela se fait actuellement avec le projet de Prior Learning avec la Mauritius Qualifications Authority (MQA). Il faut noter aussi que la Commission Justice et Vérité a fait une recommandation dans ce sens, et a demandé l'abolition de toute forme d'examen avant le
School Certificate. »

Dr Rechad Sayfoo : « Le préprofessionnel résout le problème du chômage »
Le Vocational Training Institute (VTI) de Vacoas dispense des cours depuis 1983. Fondé en 1975, le VTI a été parmi les premiers à introduire de nombreux cours techniques à Maurice. Le directeur, le Dr Rechad  Sayfoo, nous en dit plus sur les cours offerts.
> Quel sont les avantages des études prépro­fessionnelles ?
Le préprofessionnel offre une deuxième chance aux enfants en situation d’échec. Ces derniers reçoivent une formation à leur niveau qui leur permet de s’intéresser à la filière professionnelle. Cette formation s’adresse aussi aux personnes avec un handicap et donne aux élèves la possibilité de se concentrer sur quelque chose qui a de l’importance à leurs yeux.

> Quelles sont vos réalisations dans le domaine du préprofessionnel ?
Le  VTI a été fondé en 1975. Nous avons été les premiers à introduire de nombreux cours techni­ques à Maurice. Depuis 1983, nous améliorons en permanence notre cursus pour aider les enfants ayant échoué au CPE. En 1985, nous avons introduit un programme de cinq ans menant vers d’autres certificats techniques. En 1989, je faisais partie du conseil pour la mise en place de l’IVTB, l’actuel MITD. Nous ne nous sommes pas arrêtés en si bon chemin et, en 1995, nous avons introduit le diplôme pour ceux ayant accédé au certificat.

> Quel genre de cours offrez-vous aux recalés du CPE?
Nous offrons des cours non seulement aux recalés, mais aussi à tous ceux qui n’ont pas réussi au secondaire. Nos cours vont de la mécanique, l’élec­tricité, l’électronique, l’hôtellerie, le tourisme, en passant par la cuisine, la pâtisserie, la couture, la coiffure et la pose du mehendi. Cette année, nous invitons les parents à assister aux examens de leurs enfants. C’est une façon pour eux de jauger leur niveau. Qui plus est, nos élèves ont la possibilité de participer aux examens de City & Guilds, dont les certificats sont reconnus dans plus de 120 pays au monde.

> Combien d’élèves avez-vous formés à ce jour?
Selon les cours que nous offrons, nous avons formé quelques milliers de jeunes.

> Que proposez-vous pour que ces cours soient vraiment reconnus?
Il existe deux types d’éducation. Le premier est l’enseignement général pour tous, et le second est l’enseignement technique ou professionnel pour ceux qui ont échoué et qui n’ont pas d’autres alternatives. La formation professionnelle, qui comprend la menuiserie, la mécanique, l’électro­nique et la maçonnerie, entre autres, devrait  être encouragée. L’éducation doit être aussi bien géné­raliste que professionnelle.

La formation professionnelle offre plusieurs avantages. D’abord, elle résout le problème du chômage. Elle forme les étudiants dans les fi­lières commerciale, scientifique et industrielle.  Ensuite, elle rend l’élève autonome car ce dernier peut obtenir un emploi à temps partiel dans certains domaines. Enfin, elle est utile à l’économie. L’ensei­gnement professionnel n’est en aucune fa­çon différent ou inférieur à l’éduca­tion normale. En fait, c’est une partie de l’éducation que notre gouvernement veut encourager. On peut même dire, sans se tromper, que l’enseignement professionnel est plus salutaire que l’enseignement normal. Cette alternative est offerte à ceux et celles qui ont échoué ou sont exclus du circuit académique, d’où toute son importance. Il nous faut  du courage pour revoir notre système de formation technique et lui donner ses lettres de noblesse.

Témoignanges
Ludovic Hasseny suit des cours en mécanique automobile au VTI. Après son double échec en Form IV au Curepipe College, il a choisi des cours dans un domaine qu’il aime. « Les études académiques ne m’intéressaient pas, maintenant j’ai beaucoup appris et je compte faire de la mécanique mon métier. » Sa mère Claudette affirme avoir remarqué un changement dans l’attitude de son fils. « Maintenant, il est régulier à l’école et je vois qu’il est épanoui. Je suis fière de lui parce qu’il pourra gagner sa vie honnêtement. »

n Vellen Veerapen habite Boulet-Rouge, Centre-de-Flacq. Après avoir obtenu 5A et 1B aux examens du CPE, il a obtenu une place au collège sir Leckraj Teelock, mais n’a jamais brillé. À tel point qu’il a échoué sa Form IV à deux reprises. Dharmalingum, son père n’en croyait pas ses yeux, mais a dû se résoudre à l’évidence que son fils n’était pas porté pour des études académiques. « Maintenant, je me sens bien, je sais ce que je veux faire, je veux être mécanicien», admet Vellen.

n Pooja Balgobin a choisi des cours de cuisine. Son objectif est d’être chef. Après deux échecs aux examens du CPE, elle était en préprofessionnel au collège St-Helena. Réalisant que ce n’était pas sa vocation, elle s’est tournée vers le VTI pour des cours de cuisine. « Depuis trois ans, j’ai appris à faire beaucoup de plats, j’ai même réussi mon Certificat de City & Guilds. En 2012, je travaillerai, mais je vais continuer mes cours pour décrocher mon diplôme. »

n Mme Buswantee Goburdhone dispense des cours de coupe et de couture. Elle affirme qu’elle a rencontré beaucoup d’adolescents qui ont échoué à leurs examens. « J’ai vu des filles sans repères, après un échec dans les études, mais en venant suivre des cours en couture, elles étaient émerveillées. Après cinq ans, elles ont le potentiel pour coudre des robes de mariées… » 

Source: DéfiMédia
Annick Daniella Rivet

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