Friday 16 December 2011

Surendra Bissoondoyal : « Une hausse de 0,02 % dans le taux de réussite ne signifie rien »

Pour Surendra Bissoondoyal, pédagogue et ancien directeur du Mauritius Examinations Syndicate (MES), la légère hausse du taux de réussite aux examens du CPE cette année ne signifie rien. Il prône aussi un changement du programme d’études pour mieux encadrer les ‘slow learners’.

> Quelle est votre analyse du taux de réussite de 68,56 %, enregistré aux derniers examens du CPE ?
Il y a deux aspects à prendre en considération. Premièrement, le pourcentage des élèves qui ont réussi aux examens du CPE cette année est presque le même que celui de l’année dernière. Et certains se permettent de parler de légère amélioration. Pour moi, il ne s’agit nullement d’une amélioration quand le taux de réussite passe de 68,54 % en 2010 à 68,56 % cette année. Il faut tenir en ligne de compte les différentes fluctuations et les différents aspects.

Deuxièmement, nous n’accordons pas suffisamment d’attention aux enfants qui échouent, c’est-à-dire presque un tiers, et aussi à la vraie éducation. Il faut savoir tirer ce qu’il y a de meilleur chez les enfants. Sur ce point, je ne pointe pas du doigt l’actuel gouvernement, mais n’importe quel gouvernement. C’est une mentalité dont le peuple est aussi complice. Les décideurs politiques et la population sont bornés.

> Pourriez-vous être plus précis ?
L’éducation ne veut pas dire apprendre uniquement ce qu’il y a dans les livres. L’éducation, c’est la vie et elle se fait à travers d’autres moyens. Et c’est au  niveau du primaire qu’il faut savoir tirer le meilleur de chaque élève et faire de sorte que les enfants s’intéressent à l’éducation. Une hausse de 0,02 % dans le taux de réussite ne signifie rien. Notre pays dépend de ses ressources humaines et nous ne pouvons pas négliger le tiers d’enfants qui échouent aux examens du CPE. C’est justement cela qui crée des problèmes.

> Donc, vous n’approuvez pas l’observation du ministre de l’Éducation qui dit que la courbe ascendante du taux de réussite au CPE va dans la même direction depuis 2006 ?
Comme je l’ai souligné, la hausse n’est que de 0,02 %. Avec une telle progression, quand arriverions-nous à un taux de réussite de 99 % ou de 100 % ? Devrions-nous atten­dre encore trois ou quatre générations pour voir un tel résultat ? En attendant, que faisons-nous ? Je ne suis pas d’accord avec cette opinion. Dans d’autres pays tels que l’Angleterre, il y a également des enfants qui ne sont pas brillants au primaire. Et le gouvernement a reconnu qu’il fallait revoir le programme des enfants qui viennent des milieux défavorisés et qui ont du mal à suivre les autres. Pourquoi ne ferions-nous pas la même chose ?

> Vous penchez ainsi pour une révision du programme d’études et du système ?
Bien sûr qu’il faut les revoir. Au lieu des examens écrits, comme c’est actuellement le cas, il faudrait une évaluation de toutes les compétences des enfants. Il y a aussi l’aspect de l’admission dans les collèges d’élite. C’est un autre problème. Nous ne pouvons pas continuer avec un système qui satisfait seulement une poignée de parents et d’élèves qui visent deux ou trois collèges d’élite. Certains pensent qu’en évaluant les enfants à 11 ans, il est possible de déterminer qui sont ceux qui seront l’élite de demain. Les résultats d’une recherche de l’University College, Londres, sur l’évolution du QI des enfants de 10 à 16 ans, démontrent qu’en moyenne le QI peut augmenter ou diminuer de 21 points. Ce qui veut dire qu’un enfant qui fait partie de l’élite peut devenir moyen et vice versa. Nous ne pouvons pas déterminer l’élite à 11 ans.

> Quel est votre avis sur la baisse de performance notée dans les ‘core subjects’ tels l’anglais, les mathématiques et le français ?
L’explication est simple. Les enfants ne lisent pas suffisamment pour améliorer leur niveau en langues. Ils ont d’autres préoccupations, notamment les SMS sur leurs téléphones cellulaires. Pour ce qui est des mathéma­tiques, ce n’est pas un sujet qui s’apprend par cœur. Il faut que les enfants raisonnent et notre système ne les pousse pas à raisonner. D’ailleurs, quand il y a une question qui sort de l’ordinaire, les enfants sont parfois déboussolés et il y a un tollé.

> Comment réagissez-vous à la précision du directeur du MES que les six A+ ne sont pas une garantie de qualité et que seuls les quatre meilleurs A+ sont comptés ?
Le A+ signifie qu’un enfant a obtenu plus de 90 %. Nous ne pouvons pas dire que ce n’est pas une garantie de qualité. Si nous comptons les quatre meilleurs A+, certains peuvent obtenir, par exemple, 94 ou 95 % et d’autres entre 90 et 91 %. Cela ne veut pas dire que ces derniers ont fait moins bien. N’est-ce pas de la discrimination ? De plus, dans le passé, il n’y avait que quelques collèges qui étaient considérés comme les meilleurs. Aujourd’hui, il y a des collèges avec de meilleures infrastructures partout dans l’île. De plus, les enseignants de ces collèges d’élite ne passent pas leur carrière dans ces collèges. Ils peuvent être transférés. Donc, il n’y a pas lieu de se concentrer sur quelques collèges uniquement.

> Vous êtes donc d’accord avec le fait que, par exemple, les filles qui obtiennent six A+ ne devraient pas se concentrer uniquement sur le collège Queen Elizabeth ?
Naturellement. Pourquoi se concentrer sur un seul collège ? Toutefois, il faut voir les options qui sont offertes. Par ailleurs, je ne dis pas qu’il faut que le QEC redevienne un ‘Form VI College’ comme l’avait fait Steven  Obeegadoo. Mais, il faudrait un examen en Form III au lieu du CPE. À 14 ans, les enfants sont plus grands. À cet âge, on peut non seulement faire la sélec­tion et avoir une meilleure idée de leurs compétences, mais ces enfants ont une idée de ce qu’ils veulent faire plus tard. Il faut revoir le système et le programme d’études.

> Après une légère hausse du taux de réussite dans les écoles ZEP en 2010, cette année, ce taux est retombé à 35,6 %. Comment voyez-vous cela ?
Le problème c’est, encore une fois, le programme. Ces enfants des écoles ZEP suivent le même programme que les autres. Il est nécessaire de mettre en place un nouveau programme avec des méthodes appropriées pour les ‘slow learners’ afin qu’ils atteignent un meilleur niveau de compréhension. C’est de cette façon que nous pourrions tirer le meilleur de ces enfants. 
 
Source: DéfiMédia
Annick Jean Francois Cossigny

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