Tuesday 17 January 2012

Alain Doolub : « L’Éducation fait toujours dans la demi-mesure »

Le directeur du primaire au Bureau de l’éducation catholique (BEC) veut enfin voir des changements profonds dans nos écoles, mais déplore les demi-mesures du gouvernement. Il exprime également son désaccord par rapport à la Summer School. 
 
> Le ministre de l’Éducation semble être déterminé à revoir le Certificate of Primary Education (CPE). Qu’en pensez-vous ?
La révision du CPE, selon Vasant Bunwaree, s’insère dans une réforme générale qui comprend l’Enhancement Programme, le « bridging the gap » ou encore la Summer School. Mais de quelle réforme parlons-nous exactement ? Y aura-t-il un changement dans la forme ou un changement dans le fond ? Si c’est dans le fond, alors il faut amener un changement de mentalité de la part des Mauriciens et leur faire comprendre qu’il faut un système qui n’est plus construit autour de la compétition, mais sur le développement holistique de l’enfant.

Il reste maintenant à voir si le ministre veut venir avec un système qui ne prône plus la compétition à outrance. Notre système fait qu’au secondaire, on aura toujours des collèges performants et d’autres moins. Il faut donc faire de sorte que l’enfant ait de très bons résultats au CPE pour qu’il puisse avoir une chance d’avoir un bon collège. La réforme du CPE veut dire changer cet aspect compétitif.

> Je vous sens assez sceptique. Pourquoi ?
J’ai tellement entendu parler de réforme depuis 40 ans et je l’attends toujours venir. Le présent système est là depuis des décennies. Il faut donner la paix aux enfants. Avec ces A+, cette compétition malsaine est toujours là, tout comme les collèges nationaux et le « ranking » déguisé. Ce qui fait qu’il y a de bonnes écoles pour les « bons » enfants, et le reste pour les autres.

Il faut que tout le monde comprenne que personne ne pourra empêcher l’élite de monter, peu importe le système. Cette question d’élite est donc un faux débat et il faut en sortir. Démolissons ce système basé sur la compétition forte, mais pour cela, il faut du courage.

> L’Éducation nationale exclut plutôt qu’il n’inclut ?
C’est unique. Aucun autre système ne ressemble à ce que nous pratiquons à Maurice où la compétition est institutionnalisée.

> Est-ce que les parents et autres sont-ils prêts à accepter un changement d’orientation drastique ?
Les gens sont toujours prêts à accepter, mais il faut montrer que ce qu’on veut leur offrir à la place leur sera bénéfique.

> Il y aura toujours des personnes pour s’ériger contre le changement…
C’est ça le problème. Le gouvernement doit œuvrer pour démolir ces arguments.  Est-ce qu’on a un programme solide ou est-ce que le gouvernement va se laisser influencer par des lobbies menés par des gens qui ne sont pas des pédagogues ?  Au niveau des pédagogues, nous sommes tous d’accord pour le changement.

> La première édition de la Summer School a pris fin. Le BEC n’a pas participé à ce projet. Pourquoi ?
Dès le départ, nous n’étions pas d’accord sur la manière dont les choses se sont déroulées. Du jour au lendemain, le ministère de l’Éducation a décidé de monter ce projet. Un technicien a mis quelque chose sur papier en vitesse, puis la décision a été prise de l’implémenter, sans planification ni organisation.
Nous ne pouvions pas accepter cela. Alors, nous ne savons pas ce qui a été fait, ni avec quel résultat. Avant de mettre en place un tel programme, il faut savoir avec quels objectifs et comment le faire, consulter les partenaires, prendre en compte leurs suggestions, puis aller de l’avant. Cela dit, nous ne sommes pas contre l’idée d’un tel projet.

> Donner des leçons privées à des écoliers de la Std IV est désormais punissable par la loi. Une bonne chose selon vous ?

On fait toujours dans la demi-mesure. Si le ministère est contre les leçons privées, qu’il prenne des actions fortes et qu’il vienne avec un programme d’études et des horaires bien définis. Au lieu de cela, que fait-il ? Abolir les leçons privées en quatrième et les autoriser en cinquième et sixième à cause du CPE. Nous aurions voulu des actions fortes.

> Comptez-vous interdire ces cours privés dans vos établissements ?

Nous n’avons pas encore banni cette pratique complètement. Nous devons malheureusement faire avec un système qui nous oblige à laisser certaines choses en place. Si le ministère donne un signal fort, nous suivrons, mais il y en a pas. À notre niveau, il se peut que nous allions quand-même prendre certaines décisions importantes à ce sujet. Nous réfléchissons dessus.

> Vous parliez de demi-mesure. Pensez-vous que le ministère ne va pas assez loin ?
Il y a un mal profond. Cette notion de compétition dans l’éducation est enracinée dans les mœurs mauriciennes et il faut l’éradiquer. Il faut agir avec force, mais ça prend du temps, j’en conviens. Nous avons bien aimé ce qu’a fait l’ancien ministre de l’Éducation Steven Obeegadoo en 2003. Cela allait dans le bon sens. Mais après, le gouvernement a fait pire en retournant à la case départ. Les choses doivent changer, mais nous restons toujours sur notre faim. 
 
Source: DéfiMédia
Patrick Hilbert

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