Tuesday 17 January 2012

CPE – Les examens sont-ils abordables ?

CPE – Les examens sont-ils abordables ?
 
68,56 %. C’est le taux de réussite aux examens du Certificate of Primary Examinations (CPE) de 2011. Ce qui représente une infime hausse comparée à 2010 où le taux de réussite était de 68,54 %. Cependant, le taux d’échec qui s’élève à 31,44 % est alarmant. Le niveau des papiers serait-il trop élevé pour nos petits  ? Les pédagogues Surendra Bissoondoyal et Hassan Sakib Coowar nous en disent davantage. 
 
La grande question se pose chaque année : que faut-il faire pour que le taux de réussite au CPE passe au niveau supérieur ? Cette année, on parle de refonte du système actuel. D’ailleurs,  plusieurs propositions ont été faites par rapport à la réforme du CPE. Celles-ci seront passées à la loupe afin de trouver un moyen pour rehausser le niveau.

Les papiers ne sont pas hors de portée des enfants. C’est ce qu’estime Surendra Bissoondoyal. Le hic : les élèves apprennent le contenu du cursus scolaire par cœur pour ensuite tout déballer lors des épreuves. Ils ne réalisent pas que cela ne leur rapporte rien. « Il y a trop de parrot learning. Quel est l’objectif du CPE ? se demande notre interlocuteur. C’est d’abord, dit-il, une épreuve pour vérifier le niveau. Si pour la partie A, cette technique marche, par contre pour la partie B, qui demande plus de raisonnement, un bon nombre d’élèves échouent. Mais c’est cette partie qui détermine si un enfant sera admis dans un collège national », déclare le pédagogue.

Cependant, Surendra Bissoondoyal souligne que les épreuves du CPE agissent sur l’enfant comme un moule. Et, souligne-t-il, on continue à prendre la même direction depuis des décennies. Résultat : on n’arrive pas à tirer le meilleur des enfants, tant et si bien qu’ils sont absorbés par leurs études et n’ont pas de temps pour se développer sur d’autres aspects. Et, une fois au secondaire, il est trop tard pour faire marche arrière. Surendra Bissoondoyal estime qu’il n’y a pas lieu d’abolir le système actuel mais plutôt d'écarter la sélection. « Au lieu d’appeler les épreuves du CPE des examens, cela aurait été mieux de les qualifier d’évaluation de compétences. Il y aurait moins de pression », conseille le pédagogue.

Pour sa part, Hassan Sakib Coowar soutient qu’il y a beaucoup de ressemblance entre les papiers du CPE et ceux du School Certificate (SC). « Dans le passé, on a rehaussé le niveau et les enfants n’ont pas pu s’adapter. Apprendre par cœur n’est pas la solution. Ce n’est pas cela qui va augmenter le taux de réussite. Il faut grosso modo revoir le système actuel », dit-il. Il met ainsi l’accent sur le fait que les enfants sont forcés de compléter un cursus trop surchargé. Et d’ajouter qu’à cet âge, nous n’avons pas besoin de génies.

Pour le pédagogue, la meilleure solution pour diminuer le taux d’échec c’est d’adopter le concept de Continuous Assessment. « Il doit y avoir un mariage entre les contrôles et l’examen final. Les épreuves tout au long l’année doivent être gérées par des inspecteurs du ministère de l’Education », évoque-t-il.

Lucien Finette, Directeur du MES : « Le niveau des épreuves n’est pas de notre ressort »
Le directeur du Mauritius Examination Syndicate (MES) est clair. Depuis toujours, dit-il, les épreuves du CPE sont préparées par des Paper Setters (rédacteurs de questionnaires). Toute la procedure se base sur le cursus scolaire et le « Blue Print ». D’année en année, dit-il, le taux de réussite s’améliore. « Cela va prendre un peu de temps, mais il faut que nous soyons optimistes », explique Lucien Finette. Il ajoute qu’il faut garder un certain niveau qui soit constant et surtout de qualité. « Hausser ou baisser le niveau n’est pas entre nos mains. C’est une décision qui revient au ministère de l’Education », conclut-il.

Tengur est pour la qualité
Suttyhudeo Tengur, pour sa part, est pour un niveau élevé. Pour avoir la qualité, dit-il. Il soutient que si le niveau baisse, le système éducatif produira des citoyens de troisième grade. Alors que Maurice, a besoin d’une main-d’œuvre intelligente.

Dev Virahsawmy, linguiste : « Privilégier le Continuous Assessement au CPE »
«Quel est l’objectif principal des études primaires ? Nous devons nous pencher sur cette question. En principe, les études primaires visent à l’apprentissage, à la lecture et à l’écriture », explique Dev Virahsawmy. Pour lui, la literacy devrait se faire dans la langue maternelle des enfants. C’est pour cela, estime le linguiste, que le taux de réussite stagne chaque année. L’apprentissage de trois langues en simultané n’étant pas évident.

Pour Dev Virahsawmy, la politique linguistique est erronée car elle ne prend pas en compte la langue maternelle de l’enfant. Cela se corse, dit-il, lorsque l’enfant doit maîtriser d’autres sujets dont les mathématiques, les sciences et autres. « L’apprentissage d’un enfant doit se faire à travers sa langue maternelle. C’est par la suite qu’il faut introduire à petites doses les langues étrangères. À ce sujet, il faut revoir la politique linguistique et en adopter une nouvelle qui favorise un espacement dans l’introduction des langues », déclare notre interlocuteur.

Le système actuel privilégie l’élitisme estime le linguiste. Le CPE, selon Dev Virahsawmy, avait été introduit vers la fin des années soixante-dix et le concepteur avait expliqué que le système était valable pour une décennie. Mais trois décennies se sont écoulées et le CPE est toujours ancré dans notre système éducatif. « Lors de son introduction, le CPE était une nécessité puisque le nombre de sièges dans un collège de l’Etat était faible. C’était un genre d’épreuve de sélection. De nos jours, ce système est dépassé vu le nombre de sièges dans nos établissements scolaires. C’est une tracasserie supplémentaire pour les enfants aussi bien que pour les parents », soutient-il.

À ce propos, le linguiste avance qu’il faut se débarrasser de ce système et privilégier le Continuous Assessment. « Il y a une grosse bévue au niveau du planning du système éducatif. Ce qui est vraiment bizarre, c’est qu’on n’a pas pensé à revoir le système malgré les lacunes et le fait que bon nombre d’enfants n’arrivent pas à franchir le cap du CPE », s’insurge-t-il. Cependant, il souligne que dans un système où les leçons particulières sont prépondérantes, outre le système du CPE, la mise en place du Continuous Assessment est l’une des meilleures évaluations. En conséquent, Dev Virahsawmy estime que des réformes sont un mal nécessaire dans le système éducatif actuel.

Om Varma, pédagogue : « Plusieurs façons de développer l’intelligence »
> En tant que pédagogue, pensez-vous que le niveau des papiers est trop élevé pour les enfants de 11 à 12 ans ?
Les papiers sont généralement basés sur les compétences essentielles et souhaitables de l’appren­tissage, qui doivent être développées après les six ans de scolarité. Cependant, le problème réside dans la façon dont les élèves sont amenés à mémoriser des informations, des fois inutiles, par des enseignants qui estiment que le bourrage de crâne est la voie du succès. En effet, il y a plusieurs façons de développer l'intelligence et de mieux préparer les enfants pour les examens.

> Bien qu’il y ait une hausse dans le pourcentage de réussite, la situation est toujours alarmante. Qu’est-ce qui est à la base de cela ?
Les statistiques sont vraiment alarmantes. Et il n’y a pas eu une hausse significative du taux de réussite depuis plusieurs années. Néanmoins, le problème est plus profond. Il est également nécessaire que nous passions en revue ce que l'enfant doit apprendre en optant pour une méthode pédagogique saine, qui ne se concentre pas uniquement sur la reproduction de l’information. Tout cela doit aussi se refléter dans la façon dont nous évaluons les enfants. Une dose de Continuous Assessment et moins d’accent sur les questions de savoir-faire devrait être envisagée. Nous ne devons pas que nous concentrer sur l’obtention d’un siège dans les écoles les plus prisées. Au contraire, les examens devraient avoir la certification pour objectif. Les parents devraient également comprendre qu'ils ont une part de responsabilité lorsqu’ils surchargent les enfants à travers les leçons particulières.

> Que pensez-vous des réformes du CPE ?
Il est grand temps de penser à un nouveau système. Ce qui veut dire revoir à ce qui est fait dans les écoles, et surtout dans les cours particuliers avec des personnes qui pensent posséder la recette de la réussite. Les sacs lourds que nous voyons dans les dessins animés démontrent que le sac d’un enfant contient plusieurs livres qui ne sont pas utiles, mais qu’ils doivent acheter à part ceux. Il y a ceux qui ont été prescrits officiellement et d’autres pour les leçons particulières. Même les parents sont d’avis que la méthode traditionnelle d’apprentissage est le seul moyen d’avoir de bons résultats. Dans ce processus, c’est l’enfant qui souffre. Qui dit réforme, dit donc changement de mentalité, en particulier celle des parents et de ceux qui sont pour les  leçons particulières.

> Quelles sont les mesures qui doivent être adoptées pour remédier à la situation actuelle ?
Il faut revoir le système d'examen, celui du mode d'évaluation et avoir un examen de certification. Les gens devraient développer un esprit plus positif sur ce qui se passe dans les écoles et mettre moins d'accent sur les cours privés. Un enfant devrait avoir la possibilité de démontrer les multiples facettes de son intelligence et non pas subir un bourrage de crâne pour les examens. Cela exige que les enseignants revoient leur approche plutôt que de prétendre que la seule façon d'enseigner est de développer des techniques afin de réussir aux examens. Évidemment, un certain effort de la part des enfants est nécessaire, mais ils n'ont pas tellement besoin de trainer un fardeau.

Témoignages
« Hausse du niveau en quelques années… »
Corinne est mère de deux enfants. Son fils aîné est en secondaire alors que sa fille va prendre part au CPE cette année. «La préparation de mon fils pour les épreuves du CPE était plus facile. Je pouvais me retrouver. Mais en quelques années, le niveau a grimpé. Cette année, ma benjamine prendra part au CPE et j’avoue que moi-même je ne me retrouve plus », explique cette habitante du Sud.

Par conséquent, elle avance qu’elle n’a d’autre choix de donner des leçons particulières à sa fille. Certes, explique-t-elle, ce n’est pas évident pour sa fille de jongler entre l’école, les devoirs et les cours particuliers. « Dès fois, cela me fait de la peine de la voir étudier sans arrêt. Elle n’a presque pas de temps pour elle. Elle a ses leçons particulières à l’école et dans la soirée chez un autre enseignant. C’est épuisant. Mais pour réussir, elle est obligée de faire des sacrifices et nous itou. Nous ne sortons pas pour ne pas lui faire de la peine et nous la soutenons », affirme la mère de famille.

« Démarquer l’élite »
Le niveau est élevé sans aucun doute. Cependant, c’est cela qui permet de démarquer l’élite. Tel est l’avis de Reza. La fille de ce fonctionnaire a pris part aux examens du CPE l’année dernière. « Ma fille Rania était une élève laborieuse. Elle était la première de sa classe. Malgré cela, elle a mis les bouchées doubles. Aujourd’hui, c’est grâce à sa persévérance qu’elle a été admise dans un collège national », dit cet habitant de la Capitale avec fierté. Ce dernier continue à croire que pour démarquer l’élite, il faut tout de même des papiers d’un certain niveau. Ce qui permet aussi, selon ce père de famille, d’avoir un taux de réussite de qualité.
 
Source: DéfiMédia
Adila Mohit

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