Tuesday 24 January 2012

Université de Maurice – Onze exemples d’ingérence ministérielle

L’institution de Réduit est le théâtre d’âpres luttes intestines.
L’institution de Réduit est le théâtre d’âpres luttes intestines.
 
Konrad Morgan, vice-chancelier démissionnaire de l’université de Maurice (UoM), était excédé. Cela se sent dans les différents rapports, écrits à la suite des « ministerial management meetings » et envoyés aux cadres de l’organisme. Nous vous proposons onze extraits de ces rapports, qui font état de son exaspération. 
 
Dans un cas, Konrad Morgan exprime carrément sa crainte au sujet de la tendance de la Tertiary Education Commission et du ministère de l’Enseignement supérieur de s’ingérer dans les affaires de l’UoM.

Notons que Rajesh Jeetah, ministre de l’Enseignement supérieur, nie toujours toute ingérence. Mardi dernier, sur Radio Plus, il disait encore une fois que « quand bien même il le voudrait, il est impossible de s’ingé-rer dans les affaires d’une telle institution ». 

Au Défi Quotidien, la semaine dernière, il soulignait : « Ce que les autres me reprochent, moi, je considère que c’est mon rôle de m’assurer que les projets sont menés à bon port. Pour cela, je joue un rôle de facilitateur lors des réunions de suivi que j’anime toutes les deux semaines. Il est surtout question de la politique générale des institutions qui tombent sous ma tutelle et rien d’autre.  Ceux qui sont à la tête des institutions évoquent leurs difficultés, leurs contraintes budgétaires et le manque de ressources humaines pour faire aboutir les projets. Je vois alors comment je peux débloquer la situation. »

Soulignons enfin que, le 14 janvier déjà, le Défi Plus avait donné plusieurs exemples de cas qui pourraient être qualifiés d’ingérence du ministère.

21 juin 2010 : « Le ministre a fait une proposition. Il veut faire enlever tous les arbres du campus pour les remplacer par des arbres endémiques. Le vice-chancelier n’a pas adhéré et lui a indiqué que cela aura pour résultat la destruction inutile de nombreux arbres adultes. »

14 mars 2011 : « Le ministère a une nouvelle fois évoqué le taux d’échec concernant les projets de dernière année (des étudiants doivent avoir fait pression). Directeur assurance qualité : Pouvez-vous s’il vous plaît envoyer le rapport sur le taux d’échec pour les projets de fin d’année parce que le ministre veut absolument voir les données. »
w 21 mars 2011 : « Le ministre veut que les travaux de rénovation du site de Bel-Air démarrent immédiatement et que le UoM Services Superintendent lui fasse son rapport urgemment… »

18 avril 2011 : « Le ministre veut que tout le personnel et les étudiants interrompent leurs activités académiques pendant quelques heures pour essayer d’explorer leur talent créatif dans une compétition de peinture… »

6 juin 2011 : « Le ministre a été approché par le président de la Students Union par rapport au remplacement du revêtement du sol du gymnase de l’UoM pour pouvoir tenir des dance parties. Le ministre a donné l’ordre à la TEC de débourser l’argent pour remplacer ce revêtement. »

20 juin 2011 : « Le président du Board reçoit dorénavant une copie de ces rapports. Je vais soulever la question au conseil. Ma plus grande inquiétude n’est pas qu’on nous critique, mais la tendance grandissante que le ministère et la TEC s’ingèrent directement dans les opérations de l’université. »
w 1er août 2011 : « Le ministre a décidé d’utiliser les dix arpents de terre, qui ont été donnés à son ministère pour un nouveau campus, pour cultiver du blé. Il a ordonné à l’UoM et au Mauritius Research Council (MRC) de travailler de concert sur ce projet. »

26 septembre 2011 : « Le ministre voulait connaître, auprès du MRC, où en étaient les choses sur la culture de blé (…) Il a été décidé que la culture de blé doit démarrer tout de suite. »

10 octobre 2011 : « L’UoM doit préparer un plan sur comment il veut attirer des étudiants internationaux. Ce plan doit être prêt d’ici la fin de la semaine et soumis au ministère. »

24 octobre 2011 : « Le ministre a demandé une liste de toutes les plantes de la Faculté d’agriculture qui seront plantées dans le jardin endémique. Cette liste doit lui être remise avant la cérémonie d’ouverture du 19 novembre. »

3 janvier 2012 : « Le ministre veut que l’UoM se concentre sur l’amélioration de sa réputation. »

Plan de restructuration – Les raisons de la division
Plus que jamais, le plan de restructuration de l’université de Maurice divise. D’un côté, des académiciens luttent pour sa mise en pratique et, de l’autre, des membres du personnel non enseignant ne veulent pas en entendre parler. Konrad Morgan a été la victime collatérale de cette lutte.

Lorsqu’il avait été nommé à ce poste, après un appel d’offres international au début de l’année 2010, Konrad Morgan avait eu pour tâche de travailler sur une grande restructuration de l’université de Maurice. Après de vastes consultations, il a présenté un premier jet en décembre 2010. Un comité, comprenant des membres du conseil d’administration, avait alors été mis sur pied pour examiner son application. Peu après, un autre comité, composé de personnes indépendantes de l’université, a été chargé d’examiner le plan de restructuration. Ce qui a débouché sur plusieurs modifications majeures.

Le 26 août, le plan est approuvé. Il propose des attributions claires pour les pro-vice-chanceliers. L’un se concentrera sur tout ce qui est académique et recherches alors que le second aura pour tâche d’œuvrer à l’avancement de l’université. Un nouveau poste sera créé. Il s’agit du « Chief of facilities », qui aura pour tâche de s’occuper de l’entretien du campus. Il sera aussi responsable du transport et des équipements. Bref, il devra assurer le bon déroulement des activités quotidiennes de l’université. C’est justement là où réside le problème. Si ce plan est appliqué, le « Registrar », qui a aujourd’hui une vaste panoplie de responsabilités, se retrouve confiné à s’occuper uniquement des élèves. Pour le personnel non académique, cela est inadmissible. « Le salaire de celle qui est en poste actuellement reste inchangé. Mais, le salaire de son successeur sera diminué. Ce qui aura forcément une répercussion directe sur le salaire des quelques 300 employés qui se trouvent sous elle », dit un membre influent du syndicat du personnel non enseignant. Il ajoute que même si les non-académiciens pourront postuler pour le poste de « Chief of facilities », il est indéniable que c’est un académicien qui sera choisi à cause de ses diplômes.

Pour ces raisons, les membres du personnel non-enseignant préfèrent le premier jet du rapport de restructuration, celui présenté en décembre 2010. « Cette version-là était très bonne », explique Damodarsing Surnam, représentant du personnel non enseignant au conseil d’administration.

Chez les académiciens, on soutient que ces craintes sont sans fondement. « On ne peut pas réduire le salaire de quelqu’un. C’est même illégal », dit un Senior Lecturer. N’empêche que le plan a été avalisé par le conseil d’administration et que les statuts de l’université devaient être amendés lors de la réunion du 20 décembre dernier. « Mais, le Bureau du Premier ministre est intervenu et a changé la composition du conseil d’administration », affirme un dirigeant de l’University of Mauritius Staff Association (UMASA).

Pour cette source, le projet de réforme qui a été avalisé propose plein d’avenues de promotions, avec la création de plusieurs nouveaux postes de directeurs, de « heads » et de managers. Il ne devrait pas, selon elle, faire peur aux non-enseignants. Que va-t-il advenir maintenant du plan de restructuration ? « On va le présenter à la prochaine réunion du conseil d’administration et on verra s’il faut aller de l’avant ou pas », dit Soodursun Jugessur, président du Board.
 
Source: DéfiMédia
Patrick Hilbert

No comments:

Post a Comment